Il y a 2 semaines, un de nos chroniqueurs a émis l’idée de marquer le coup sur Akwa pour cette fête des pères, un thème a priori “banal”. Pourtant, pour des raisons différentes, il a beaucoup touché l’équipe. Il a occasionné des discussions, parfois houleuses, et même des pleurs…Le résultat : une série de portraits intimes de papas des membres d’Akwa, introduite par un texte sur l’importance d’accepter ses émotions, toutes ses émotions…Nous espérons que vous apprécierez le partage.
Intro
Est-ce que toi aussi, lorsque tu t’apprêtes à exprimer une émotion qui ne soit pas de l’ordre de la joie, ta phrase commence par “Je suis désolé(e) mais…” ? On mandé padon ki pa ka finn. Ben oui, tu dois prévenir, car tu t’apprêtes à faire quelque chose de terrible : exprimer ta peine, ta colère, ta peur… Qu’est-ce que ça vient faire là aux yeux et au su de tous. Un peu de pudeur, voyons ! Restons dignes et fièr(e)s !
De plus, en face, ce fameux “ON” dont tout le monde parle, se délectera de ta détresse, de ton angoisse…Ton débordement d’émotions est dérangeant. Comme chacun sait, si tu es une femme, tu seras sûrement dans l’hystérie…Quelle honte ! Encore plus méprisable si tu es un homme, de te montrer telle une femmelette …Vraiment, le monde part en vrille !
Arrête de pleurer ! Ravale tes larmes ! ( en créole dans le texte). Tu pleures là ? Continue et je vais te donner une bonne raison de pleurer ! (celui-ci aussi , en créole dans le texte). Démaré fidji aw ! C’est sur moi que tu cries là ?
Mais…d’où ça vient tout ça ? (Ces vérités universellement locales).
Il s’agit-là de mes injonctions reçues.
Ton histoire doit également regorger d’injonctions de ton enfance t’invitant à intérioriser tes ressentis; une éducation dispensée par des parents aimants (la plupart du temps) désirant t’outiller, afin que tu vives au mieux dans la société. Société caribéenne qui, dois je le rappeler, est le vestige (trop bien conservé) d’un passé colonial, attendant qu’une partie de la population soit servile et sans ambitions…Mais là je m’égare.
Je souhaiterais juste te faire ce rappel : Tu es un être humain ! Tu es magnifique et complet.
Tu es lumière et ombre.
Tu es générosité et IN-générosité ( oui je sais ça n’existe pas, mais tu as compris l’idée)
Tu es ouverture et fermeture.
Tu es loin d’être parfait.
Tu es émotions, plein d’émotions, TOUTES les émotions, et par contre il n’y en a jamais trop.
Lorsqu’elles viennent, elles sont justes ce qu’il faut, au moment où tu en as besoin.
Une société qui n’a de la place que pour ta joie, n’est pas une société pour toi.
Dans Akwa, nous voulons normaliser ton humanité et la nôtre. Nous nous arrogeons le droit de parler en larmes, en rire, en cris, par écrit ou en images, de tout ce qui nous touche.
Nous avons choisi de nous présenter dans notre vérité afin de vous inspirer.
Nous refusons de passer à côté de la beauté cachée derrière nos fragilités.
Alors aujourd’hui, nous jetons ce masque dans lequel s’est figé un sourire, et nous ressortons toutes ces émotions mises au placard. Comme chaque jour depuis la création d’Akwa, nous incarnons nos convictions.
En ce jour de la fête des pères, nos chroniqueurs vous partagent un peu de leur intimité, dans cette chronique unique « Mon papa à moi » , en mots et images.
Ils ont émis le souhait, que derrière votre écran, à la lecture de tout cela, vous vous sentiez compris, moins seuls, plus vrais, en colère…Que vous vous sentiez le droit de ressentir le choses comme elles viennent .
Bonne lecture.
Lanmou
Cycyn
Mon papa à moi est grand et fort,
Au premier abord
Il est calme la plupart du temps, fermé, avec
De temps en temps, un côté blagueur.
Mais quand on regarde d’un peu plus près, il est un peu triste,
Faisant le bilan de ses erreurs passées.
Il parle peu, mais ses yeux sont nostalgiques,
Quand il parle, on sent qu’il fait attention à ses paroles,
Comme s’il marchait sur des œufs,
Surtout avec moi,
Comme si il était en terrain non conquis.
Je dois dire que je ne lui laisse pas trop le choix car il doit entendre ce que j’ai à dire.
On apprend à se connaître,
A entendre et accepter les blessures de l’autre, pas super évident mais quelle importance,
On essaie, c’est l’essentiel.
Cycyn
Coco
Mon Papa à Moi
N’est pas un gangster. Non ! J’ai eu un père, un vrai. Pas le cliché du papa absenté, occupé dans son deuxième foyer.
J’ai eu ce père qui tirait mes cheveux en afro, qui me préparait mon sandwich du matin avec son compte de beurre.
Ce père qui me récupérait toujours un peu en retard au cathé parce qu’il allait travailler.
J’ai eu ce père qui m’a consolée à sa manière quand l’ingrat est parti avec un bout de ma vie.
C’est lui qui m’a transmis ma fierté d’être noire, de connaître mon histoire, mon goût pour le reggae et la lecture.
Ce père engagé, dévoué est-il parfait ?
Il a fait des erreurs comme quand il s’est obstiné à refuser que je change de lycée alors que j’y étais harcelée.
Pourtant, quand le temps viendra je sais que pour mes enfants je choisirais un père comme ça.
Merci papa !
Charlise
Mon papa à moi est un caméléon
Parfois il prend la forme de ma colère, pour ces années où il n’a pas vraiment été présent.
Trop occupé à être au front pour des causes apparemment plus noble que moi !
A force de vouloir sauver le monde, il en oubliait souvent de me tendre la main
Ou un regard ou une oreille.
Trop occupé à être militant, il n’avait pas le temps d’être père.
Souvent, il prend la forme de l’abandon.
Je sais qu’il m’a offert cette insécurité que je ressens lorsque je me lie.
Alors je peine à me délier, à m’ouvrir et à me laisser découvrir
Souvent je cherche à rattraper avec un « il » , ces temps que j’aurai aimé vivre avec lui.
Et cela m’a poursuivi longtemps, alors même que j’ai grandi.
Pourtant j’essaie tellement fort de m’en défaire.
Mon papa à moi est paradoxe, car il endosse parfois ma fierté.
Je suis pleine d’admiration pour cet homme engagé.
“Pour lui un ‘nèg’ se doit d’être debout
Il porte l’héritage de milliers d’esclaves, des Hommes valeureux”
Alors non au capitalisme ! Non au colonialisme ! Non au sexisme.
Il nous incite à dire non car nos voix comptent
Mon père est inconfort, lorsque je retrouve en lui,
Ces aspects de moi que je ne comprends pas.
Le sens de la justice et le besoin d’équité
Qui prennent parfois le pas sur mes besoins à moi
Me font oublier les miens, trop confiante
Dans leur capacité à évoluer dans la vie
Mon papa à moi est un miroir
Lorsque je l’observe, je me vois.
Mes postures de batailles, mes mots pour convaincre
Mes projets pour l’humain, et cette fâcheuse manie
De tendre la main, de donner une oreille ou une épaule
Partout et tout le temps .
Mon papa à moi est amour.
Je l’aime, oui, malgré tout de façon inconditionnelle
Je trouve qu’il aurait pu mieux faire
Pour autant lorsque rien ne va pour moi
Il sait trouver les mots pour réveiller, le neg mawon sommeillant en moi.
A sa ! i ka palé byen, ti misié la sa !
Mon papa est un sacré inutile
Avec qui j’ai réglé mes compte un jour
Lui vidant tout ce que j’ai porté dans l’enfance.
Mes colères, mes doutes et mes peurs
Kay i di mwen ?
Je comprends, pardonne-moi !
Mon papa à moi est pardon .
I fè jan i té pé , é an jan an yé . Sa pa pi mal!
Ça me coûte une blinde en thérapie
Pour que j’apprenne à être Happy.
Ayant grandi avec ce désiquilibre.
Mais dans ce bigidi, il est aussi ce qui rend ma vie jolie.
Lanmou ki la.
Èvè limit an nou
Èvè fòs an nou
Charlise
Lisso
En cette période où nous célébrons tous les papas de la planète, je devrais en faire de même. Mais oups, tu n’as jamais été là. Laissant parler ton besoin physiologique, ton arrogance de mâle, et la lâcheté d’affronter ta famille, tu as opté pour être un géniteur. Tu as préféré ignorer le souffle qui a rempli ma poitrine le jour de ma naissance. Donc, je ne peux décemment pas, par respect pour ces papas qui jour après jour veillent sur leurs petits trésors, t’appeler PAPA.
Mais, pour éviter que le poison de cet abandon ne se distille le long d’une vie, c’est à dire LA MIENNE, je tiens à te dire merci pour cette petite contribution qui me permet aujourd’hui de faire des choses EXTRAORDINAIRES. Oh oui, merci ! Car je connais toute mon histoire, et ton absence n’est que le poids de TA seule responsabilité que tu dois porter.
Pour ma plus grande bénédiction, j’ai autour de moi des images paternelles qui me démontrent que les hommes ne sont pas tous semblables à toi. Alors à ces papas, qui jamais n’abandonnent, subissent les séances de maquillage avec paillettes, les visionnages interminables de la reine des neiges et autres scènes de vie toutes aussi loufoques.
A tous ceux qui affrontent les premières dents, les premières règles, les premières crises d’adolescence et les premières présentations de petits copains – copines. Et qui transmettent de leur mieux des valeurs et une éducation pour faire des « moun doubout » de demain.
Bonne fête non pas juste un jour, mais tous les jours car vous êtes des supermans à nos yeux.
Ben oui wonderwoman travaille avec un superman !!
Lisso
Juju
MON PAPA À MOI
Mon super héros de petite fille
Mon papa? Le Jazz la Soul ? Oui il aime ! Il aime au point de m’avoir embarqué dans son amour pour cette musique. Miles Davis, Louis Armstrong, Sade…
Il m’a fait les apprécier dès mon plus jeune âge. Il m’a rendu fan de Sade! Oui oui. Je l’écoute jusqu’à aujourd’hui pour me détendre.
Mon papa, c’est celui qui a toujours voulu que ses enfants soient sportifs comme lui.
Athlète qui rêvait de rafler un max de médailles d’or dans toutes les compétitions jusqu’aux jeux olympiques. Athlète qui s’est arrêté en cours de route suite à une blessure.
Ce papa là, ne voulait pas que nous, ses enfants, laissions gaspiller nos talents d’athlètes quelque soit la discipline (athlétisme, volley, natation, escrime, foot, judo, gym…). Ouais on est 5, on en a tous fait les frais (ahahah ouf je ne suis pas la seule).
Mon papa à moi,
Il a trois filles et deux garçons. J’ai eu l’honneur d’être la première à vivre ses débuts dans le rôle de papa. Pas toujours simple. Du boulot ! Ben ouais papa tu croyais quoi?
Petite, joyeuse, innocente, fragile, sensiiiiiiiiiible (le mot est faible…) je ne pouvais absolument pas envisager ma vie, mon quotidien, sans MON PAPA À MOI …
Et pourtant, c’est arrivé!
Mon enfance avec lui (aussi courte qu’elle ait été) je la passais à reproduire ses “manies” même les moins bonnes (se ronger les ongles, tchip on vyé vyé manni menm).
Le dimanche avec papa, c’était le matin Formule 1. Bon pas hyper fan, parce que trop monotone pour moi mais j’aimais bien, parce que c’était avec papa. Fini? On zappe vite y’a TURBO (<3) Olala TURBO mon amour de toujours, mon rituel du dimanche.
Parfois on partait tous chez Papa Des’, mon Papi d’amour, qui m’a fait détester les carottes à la béchamel et le foie de bœuf beuuurk ahahah.
Je vous ai dit que j’aimais tout faire comme papa? Lavage de voiture, cueillette de fruits dans le jardin de Papi, chadec “frais” au dessert, partir à la pêche avec lui et ses copains, et bien d’autres choses sauf qu’heuuuuuu à 5-6 ans on n’a pas les mêmes capacités ahahah.
Donc j’observais et j’attendais de grandir pour faire avec lui.
Bon vous l’avez compris, mon papa à moi je l’idéalisais. Inutile de vous dire que son absence (à la maison) a tout chamboulé dans ma tête de petite fille. Tout s’est effondré! Il m’avait ABANDONNÉE. C’était mon sentiment. Sentiment que j’ai enfouie pendant des années, de très longues années. Qui m’a rongé, rythmé ma vie, nourri mes craintes…
Ouais je suis sensible!
MON PAPA À MOI était jeune quand j’ai débarqué dans sa vie.
MON PAPA À MOI a fait de son mieux jusqu’à aujourd’hui.
MON PAPA À MOI est unique en son genre (heureusement hein loool)
MON PAPA À MOI n’a pas eu une enfance simple…
MON PAPA À MOI m’aime à sa façon
Avec MON PAPA À MOI, j’ai vécu tout plein de choses
Magnifiques, amusantes, tristes, bouleversantes, marquantes
Bref MON PAPA À MOI je l’aime à ma façon
Juju
Myel
Mon papa à moi, je l’ai perdu quand j’avais 8 ans.
Mon papa à moi, c’était celui qui faisait câlins et bisous ; celui qui, en préparant les crêpes, les accrochait au plafond ; celui qui m’a appris à faire mes lacets ; celui qui me racontait le soir les histoires d’Isangrain le Loup et Goupil de Renard. Mon papa, c’était mon papa A MOI.
Mais à 8 ans j’ai perdu mon papa.
Il m’a dit qu’il devait faire un choix. Et son choix, ça n’a pas été moi. Il a préféré sa nouvelle famille : « C’est pour te protéger » qu’il m’a dit.
Maintenant je n’ai plus 8 ans. Et j’ai choisi pour mes enfants Un papa de choix, qui jamais ne les abandonnera.
Myel
Kapress
Toute l’équipe des chroniqueurs
Lire et écouter les différentes visions de pères rappelle à quel point l’idée du père est polymorphe et on revient à l’idée essentielle qu’il est avant tout humain.
Mais, il n’en reste pas moins que la figure du père est bel et bien un élément déterminant dans la construction de la personnalité, positivement ou négativement.
Mine, avec beaucoup de délai (je te prie de m’en excuser), merci pour ton apport. Tu as très bien expliqué et résumé l’importance de la figure paternelle.